La question de la mise en cause de l’organisme social, en particulier la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), dans le cadre des procédures de réparation du dommage corporel, suscite de nombreuses interrogations pour les victimes et les praticiens du droit. Un arrêt rendu par la Cour de cassation, chambre criminelle, le 2 mai 2024 (n° 23-82.430), apporte une clarification essentielle à ce sujet, notamment concernant l’articulation entre l’action civile de la victime et la présence obligatoire — ou non — de la caisse.

 

La règle : l’intervention de l’organisme social est obligatoire lorsque la juridiction statue sur le fond

Conformément à l’article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale, les organismes sociaux disposent d’un droit propre à obtenir le remboursement des prestations versées à la victime d’un accident ou d’une infraction, lorsque celle-ci exerce une action indemnitaire. Ce droit suppose que la caisse soit mise en cause, généralement via une déclaration de jugement commun ou une intervention volontaire.

Cependant, cette mise en cause n’est exigée que lorsque la juridiction statue sur le fond du litige, c’est-à-dire lorsqu’elle se prononce définitivement sur la réparation intégrale du préjudice. Cela permet à l’organisme social de faire valoir ses créances, notamment par subrogation dans les droits de la victime, et d’assurer le respect du principe de non-cumul des indemnités.

 

La nuance importante : absence d’obligation en cas de demande provisionnelle

L’apport majeur de l’arrêt du 2 mai 2024 réside dans la distinction opérée entre une décision au fond et une décision avant dire droit, comme une allocation de provision.

Dans cette affaire, la cour d’appel avait confirmé une provision de 3 000 euros allouée à la victime sur le fondement de l’article 3 du Code de procédure pénale, sans avoir statué sur l’intégralité du préjudice, et sans que la CPAM ne soit mise en cause en appel. Le demandeur au pourvoi reprochait à la cour cette omission.

Or, la Cour de cassation rejette ce grief en rappelant avec force que :

« La caisse n’a pas à être appelée en déclaration de jugement commun tant qu’il n’a pas été statué au fond sur l’indemnisation du préjudice. »

Autrement dit, lorsqu’une juridiction accorde simplement une provision à la victime, dans l’attente d’éléments complémentaires (comme une expertise médicale), la mise en cause de la CPAM n’est pas encore obligatoire.

 

Une lecture conforme aux principes de célérité et d’économie procédurale

Cette position jurisprudentielle répond à une exigence de souplesse procédurale, en permettant à la juridiction d’ordonner rapidement une provision ou une mesure d’instruction sans être paralysée par l’absence ou l’intervention tardive de l’organisme social. La caisse pourra toujours intervenir ultérieurement, tant qu’aucune décision définitive sur le quantum du préjudice corporel n’a été rendue.

Cela garantit une prise en charge rapide des besoins les plus urgents de la victime, tout en préservant les droits de l’organisme social à intervenir au stade approprié.

 

Ce qu’il faut retenir

  • La CPAM doit être mise en cause dès lors que la juridiction statue sur le fond de l’indemnisation.
  • Aucune obligation ne pèse sur la victime ou la juridiction de faire intervenir l’organisme social lorsqu’une décision ne porte que sur une provision.
  • L’arrêt du 2 mai 2024 confirme cette lecture en rejetant un pourvoi fondé sur l’absence de mise en cause de la CPAM en appel, alors que seule une provision avait été allouée.

 

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